Phosphatase acide
Article classé dans la catégorie :"MARQUEURS". Les phosphatases acides sont un marqueur de l'évolution de la maladie particuliérement pour les patients sous ERT.
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Ghislaine SURREL
i. intérêt physiopathologique (1)
Sous le terme de phosphatase acide sont regroupées des hydrolases qui catalysent la déphosphorylation d'esters orthophosphoriques organiques et dont le pH d'activité optimale est inférieur à 7. Elles possèdent également une activité transférasique, assurant le transfert d'un phosphate sur le groupement hydroxyle d'un alcool.
Leurs fonctions physiologiques sont mal définies.
Elles sont présentes dans de nombreux organes, à des niveaux subcellulaires variés (cytoplasme, lysosomes). Une activité phosphatase acide importante est trouvée au niveau de la prostate, du foie, de la rate, du pancréas, des os (ostéoclastes), des cellules sanguines circulantes ...
Ce groupe est hétérogène, avec des enzymes d'origines génétiques et de propriétés catalytiques, immunologiques et électrophorétiques différentes. Les particularités qui en découlent (thermosensibilité, sensibilité à certains inhibiteurs, substrats artificiels préférentiels ...) ont été exploitées pour mettre au point des dosages plus spécifiques de la fraction présentant le plus d'intérêt clinique, la phosphatase acide d'origine prostatique. Il s'agit d'une protéine dimérique de masse moléculaires d'environ 100 000, dont l'activité est optimale entre pH 5 et 6, secrétée en majeure partie dans le liquide séminal et pour une faible partie dans le sang.
ii. techniques de dosage
Dans la majorité des cas, la détermination de la phosphatase acide sérique est prescrite dans le seul but de mettre en évidence une augmentation de la fraction d'origine prostatique. Celle-ci est mesurée soit par son activité catalytique dans des conditions favorisant la phosphatase acide prostatique, soit par le dosage de la protéine elle-même par des techniques immunologiques.
II.1- Mesure de l'activité de la phosphatase acide totale (PAC)
De nombreuses techniques ont été proposées ; elles diffèrent par le substrat et par le mode de mesure employés.
Le tableau I regroupe les techniques et les températures d'expression des activités utilisées dans les laboratoires en France (2).
Tableau I: Répartition des techniques de mesure de l'activité phosphatase acide totale (Données du Contrôle de Qualité National d'octobre 1992).
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25°C |
30°C |
37°C |
TOTAL |
SUBSTRAT NATPHTYL PHOSPHATE (technique cinétique - Technique recommandée SFBC (+ pentanediol) - BioMérieux Enzyline (DK) - Biotrol monoréactif (DI) - Techniques diverses - Boehringer C. System (DH) - Ciba Corning (DG) - Koné (DM) - Beckman (DD) |
36 15 36 |
760 102 246 9 15 7 |
501 74 101 14 11 5 |
1297 191 383 14 20 15 12 |
SUBSTRAT 4-NITROPHENYLPHOSPHATE - Boehringer test combination(BA) - Merck (BM) |
8 |
32 |
91 27 |
131 27 |
SUBSTRAT PHENYL PHOSPHATE (Temps fixé) - BioMérieux (AH) |
10 |
81 |
99 |
190 |
Nombre total de participants |
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2669 |
II.1.1- Techniques utilisant comme substrat l'a -naphtylphosphate
Ces techniques sont pratiquées en cinétique. Elles sont dérivées de la technique de Hillman d'hydrolyse par la phosphatase acide de l'-naphtyl phosphate en phosphate et -naphtol. Celui-ci est couplé à un sel de diazonium (Fast Red TR ou diazo-5-toluène) pour former un azoïque coloré.
· Technique recommandée par la Société Française
- Principe
Dans les réactifs de cette technique optimisée sont inclus du Triton X100 pour solubiliser le chromophore et un agent de transphosphorylation (1,5-pentanediol) qui, en captant le phosphate formé, accélère la réaction. Le coefficient d'absorption moléculaire dans les conditions de la réaction a été établi (4).
- Réactifs commercialisés
Deux sociétés distribuent des réactifs prêts à l'emploi suivant les recommendations de la SFBC
· Autres techniques
Les techniques basées sur le même principe, mais dans des conditions opératoires différentes, sont représentées par les réactifs commercialisés par les sociétés Boehringer (Phosphatase acide c-system, représentant 14 % du total des laboratoires), Ciba Corning (phosphatase acide, 0,7 % des laboratoires), Kone (phosphatase acide DP, 0,6 % des laboratoires), Baxter (Paramax, 0,5 % des laboratoires), Beckman (système Synchon, 0,4 % des laboratoires).
II.1.2- Techniques utilisant comme substrat le 4-nitrophénylphosphate
· Principe
La phosphatase acide hydrolyse le 4-nitro-phénylphosphate avec libération de 4-nitrophénol. Après une incubation de 30 mn à 37 °C
· Réactifs commercialisés
Cette technique, employée dans 6 % des laboratoires, est disponible sous forme de réactifs prêts à l'emploi commercialisés par les sociétés Boehringer (Test-combination Phosphatase acide) et Merck (Phosphatase acide).
II.1.3- Techniques utilisant comme substrat le phénylphosphate
· Principe
Le phénol libéré à partir du phénylphosphate sous l'action de la phosphatase acide après une heure d'incubation à 37 °C
· Réactif commercialisé
La société BioMérieux distribue un coffret de réactifs utilisant ce principe (Phosphatase acide Kit) employé dans 7 % des laboratoires .
II.2- Détermination de l'activité de la phosphatase acide d'origine prostatique
II.2.1- Utilisation d'un inhibiteur spécifique
La différence entre les résultats de deux dosages réalisés simultanément, l'un en absence et l'autre en présence d'un inhibiteur spécifique de la fraction d'origine prostatique, permet l'estimation de l'activité de la phosphatase acide prostatique ("tartrate labile"). Le L-tartrate est le composé le plus employé. Il agit en tant qu'inhibiteur compétitif sélectif des phosphatases acides prostatique et lysosomale, mais il n'inhibe pas les fractions d'origines différentes (1). Ce procédé est applicable à toutes les techniques décrites précédemment.
II.2.2- Utilisation d'un substrat préférentiel
Les phosphatases acides présentent des affinités variables pour les différents substrats en fonction de leur origine. Le nitrophénol est un substrat peu spécifique, l'-naphylphosphate est hydrolysé plus rapidement par la phosphatase acide prostatique. Le thymolphtaléine phosphate (TMP) est le substrat sélectif le plus employé pour la détermination de l'activité de la fraction prostatique. Le TMP est hydrolysé en milieu acide par la phosphatase acide en thymolphtaléine et phosphate. L'absorbance de la thymolphtaléine formée pendant la réaction est mesurée à 600 nm en milieu alcalin.
Les réactifs commercialisés par la société Du Pont de Nemours (Dimension et Aca) sont les plus utilisés dans ce groupe de techniques qui est peu employé (moins de 1 % des participants).
II.3- Dosage immunochimique de la phosphatase acide prostatique (PAP
Les propriétés antigéniques de la protéine sont exploitées dans les dosages immunochimiques plus spécifiques.
Les techniques utilisées reposent sur différents principes (compétition, extraction-saturation, mesure de l'activité catalytique après séparation immunologique). Elles diffèrent par la nature des anticorps (monoclonaux ou polyclonaux), la nature des phases solides, le marqueur utilisé (125I ou enzymes) ...
Les principales caractéristiques des réactifs commercialisés les plus utilisés en France sont présentés dans le tableau II.
Le choix des réactifs employés dans les laboratoires, d'après les données du contrôle de qualité national est présenté dans la figure 1.
Tableau II: Principales caractéristiques des techniques de dosage immunologique de la PAP
Figure 1: Répartition des principales techniques de dosage de la PAP
(n: 1545 réponses) (2).
II.4- Matériel de contrôle
Certains spécimens sériques de contrôle commercialisés sont surchargés par de la phosphatase acide d'origine végétale(pomme de terre), les rendant impropres aux dosages immunologiques.
Une préparation de référence d'origine prostatique humaine (CRM410) est en cours de certification sous l'égide du Bureau Communautaire de Référence de la CEE.
III. PERFORMANCES DES TECHNIQUES
· Domaines d'analyse - limites de détection
La limite supérieure de linéarité de la technique recommandée par la SFBC 30°C
Les limites supérieures annoncées du domaine d'analyse pour les techniques les plus répandues de dosage de la protéine varient, suivant les réactifs commercialisés entre 10 µg/l (Merck phosphatase acide prostatique PAP) et 50 µg/l (Cis Bio ELSA). Les limites de détection sont comprises entre 0,04 µg/l (Cis Bio CPE - Cispack 4200) et 0,03 µg/l (Hybritech Stratus).
IV. ETAPES PREANALYTIQUES
· Préparation du patient
Le prélèvement de sang doit être effectué à plusieurs jours de distance d'un toucher rectal ou d'une biopsie.
· Nature du prélèvement
La mesure de l'activité de la phosphatase est réalisée uniquement sur sérum. Ce type de spécimen convient également pour toutes les techniques de dosage de la PAP.
La centrifugation et la décantation du sérum doivent être réalisées rapidement, afin d'éviter une contamination par les plaquettes ou les hématies riches en phosphatase acide.
· Conservation des spécimens
L'activité de la phosphatase acide diminue rapidement; elle est fonction du pH et de la température de stockage. Les échantillons perdent 50 % de leur activité en 4 heures à + 20 °C 4°C 20 °C
La dégradation de l'activité est accélérée par l'alcalinisation des spécimens lors de leur conservation. L'addition à 1 ml de sérum de 20 µl d'un tampon acétate à 5 mmol/l permet de stabiliser l'enzyme pendant 4 heures à + 20 °C 4 °C
Les caractéristiques immunologiques de la molécule se conservent mieux au cours du stockage que l'activité enzymatique.
Les propriétés antigéniques de la PAP 4 °C 20 °C
· Interférences analytiques
Des modifications de la cinétique de la réaction utilisant l'-naphtol et le Fast-Red sont observées avec les sérums troubles, ictériques ou hémolysés, même légèrement.
La bilirubine, en particulier conjuguée entraîne des résultats anormalement abaissés à cause d'une réaction parasite de diazotation entre la bilirubine et le Fast-Red.
V. INTERPRETATION DES RESULTATS
V.1- Valeurs usuelles en fontion de l'âge et du sexe
V.1.1- Activité catalytique de la PAC
Les valeurs de référence établies avec une technique suivant les recommandations de la SFBC 30 °C
Tableau III : Valeurs usuelles de la PAP 30 °C
|
Activité totale (UI/l) |
Activité tartrate labile (UI/l) |
Femmes 4-9 ans 10-14 ans 15-19 ans 20-39 ans > 40 ans (pré-ménopause) > 40 ans (post ménopause |
3,6-7,4 2,5-7,0 1,9-4,6 1,5-4,4 1,5-4,5 2,9-5,1 |
0,4-2,5 0,4-2,5 1,2-2,0 1,2-2,0 1,2-2,0 1,2-2,0 |
Hommes 4-9 ans 10-14 ans 15-19 ans 20-29 ans 30-39 ans 40-49 ans > 50 ans |
3,9-7,3 3,9-7,6 2,5-6,9 1,6-5,9 1,9-5,0 2,3-4,9 2,2-5,3 |
0,3-2,3 0,3-2,3 0,3-2,3 0,4-2,3 0,4-2,3 0,4-2,3 1,3-2,9 |
V.2- Variations biologiques (6, 7)
Les variations physiologiques sont fonction de l'âge et du sexe. Elles reflètent l'intensité du métabolisme osseux d'une part, et l'état hormonal d'autre part.
L'activité totale à la naissance est plus élevée que chez les enfants. Les activités mesurées chez les enfants sont elles-mêmes plus élevées que chez les adultes. La fraction osseuse, tartrate-résistante est responsable de cette augmentation.
Les activités totales chez les hommes sont plus importantes que chez les femmes non ménopausées. Une augmentation après la ménopause des activités totales et tartrate-résistante est observée.
VI. VALEURS SEMEIOLOGIQUES
La concentration sérique de la phosphatase acide prostatique, PAC tartrate labile ou PAP, est augmentée au cours des cancers de la prostate. Il s'agit d'un marqueur peu sensible. Les concentrations ne sont élevées que dans un faible pourcentage de cas aux stades précoces de développement.
Dans les stades plus avancés, le diagnostic est posé sur des arguments cliniques. La phosphatase acide n'a donc pas d'intérêt pour le diagnostic d'adénocarcinome. Par contre, elle est spécifique d'un cancer, sa concentration n'étant que rarement augmentée lors de pathologies prostatiques non malignes. Les valeurs observées en cas de métastases peuvent être considérablement élevées.
Une élévation modérée de l'activité totale et de l'activité tartrate-résistante est observée au cours de processus pathologiques impliquant des remaniements osseux (maladie de Paget, hyperparathyroïdie, métastases osseuses de cancers du sein...), au cours de maladies génétiques de stockage (maladies de Gaucher ou de Niessman Pick) et lors de pathologies hématologiques (anémies hémolytiques, leucémies ...) (1).
BIBLIOGRAPHIE
1. Moss DW (1984) Acid phosphatases. In Methods of enzymatic analysis. Volume IV. Enzymes 2: esterases, glycosidases, lyases, ligase (Bergmeyer J ed) Verlag Chemie, Weinheim, 92-106
2. Annales du contrôle de qualité en biochimie. Contrôle de qualité national en biiochimie de la Société Française la Santé. Octobre
3. Vassault A, Phung HT, Aubry C, Goudart D et les membres de la commission "Enzymologie" (Maire I, président) de la SFBC 30 °C
4. Gundlach G, Mühlhausen B (1980) Untersuchungen zur Kupplung des 1-Naphtols mit Fast-red TR. J Clin Chem Clin Biochem 18, 603-610
5. Wen Chen I, Sperling MI, Maxon HR, Kaplan A (1982) Stability of immunologic activity of human prostatic acid phosphatase in serum. Clin Chem 28, 1163-1166
6. Schiele F, Artur Y, Floc'h AY, Siest G (1988) Total, tartrate-resistant and tartrate- inhibited acid phosphatase in serum: biological variations and reference limits. Clin Chem 34, 685-690
7. Schiele F, Artur Y (1990) Phosphatases acides. In Références en biologie clinique (Siest G, Henny J, Schiele F eds) Elsevier, Paris, 417-432
http://bioch.ap-hop-paris.fr/analyses/Bioforma/PHOSPHA.htm