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Maladie de GAUCHER : actualités
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30 avril 2006

La cytostéatonécrose et l’infarctus osseux

J. Neto*, H. Laurent* ; C. Veyret** ; C. Alexandre** ; J.-F. Mosnier** *CHG de St-Chamond, service de Médecine interne **CHU de St-Etienne

Présentation de deux cas cliniques avec revue de la littérature et intérêt de l’imagerie par résonance magnétique
Les deux cas cliniques présentés montrent la difficulté du diagnostic différentiel entre la cytostéatonécrose osseuse (CSNO) et l’infarctus osseux (IO). Ces deux entités peuvent être très proches, avec la CSNO à l’origine de l’IO. La pancréatite et les nodules hypodermiques évoqueraient la CSN, de même que la greffe rénale et la corticothérapie feraient penser à l’IO. En dehors d’un contexte évocateur, sans biopsie osseuse et avec une radiologie initiale peu informative, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) devient l’examen de référence. Aussi sensible que la scintigraphie osseuse, l’IRM montre des images précoces et spécifiques de CSNO et d’IO, avec le double liséré en T2. Cela permet le dosage rapide des enzymes pancréatiques, de l’alpha-1-antitrypsine qui se normalisent et la recherche d’anticorps antiphospholipides à l’origine du syndrome primaire des antiphospholipides. Le cancer du pancréas est à rechercher pour la CSNO et de l’évolution de l’IO en hystiocytome fibreux malin est à craindre à long terme. Le pronostic de la CSNO et de l’IO est fonction de l’étiologie et du contrôle des facteurs de risque pour éviter les récidives.

Cas clinique N° 1

M. C.P., âgé de 49 ans, est hospitalisé 48 heures après un vaccin contre l’hépatite B avec des douleurs intenses dorsolombaires, irradiant aux cuisses et à l’épaule droite ; le patient n’a pas été calmé par l’acide tiaprofénique, le paracétamol et le dextropropoxyphène ; ce tableau s’est accompagné d’une hypertermie à

38,5 °C

d’une asthénie, de sueurs et d’un syndrome inflammatoire biologique : avec une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles et CRP à 284. L’examen clinique était sans déficit neurologique et des cruralgies sont évoquées. Les radiographies simples mettaient en évidence une banale discopathie arthrosique. L’examen cytobactériologique urinaire est stérile et l’échographie abdomino-pelvienne est normale. Le bilan biologique ne présentait pas de cholestase, ni d’élévation des enzymes musculaires. La calcémie était normale.
Les antécédents se résumaient à une hypertriglycéridémie et à une comitialité avec prise d’acide valproïque ; le patient tabagique avouait un éthylisme chronique.
La défervescence thermique est obtenue après huit jours d’une antibiothérapie de principe avec de l’amoxicilline-acide clavulanique. Mais le patient n’est pas complètement calmé, a perdu

4 kg

et présente un syndrome inflammatoire persistant. Les sérologies de Lyme et de la brucellose sont négatives ainsi que l’intradermorédaction à

la tuberculine.
Le

patient rentre alors à domicile avec poursuite de l’antibiothérapie et mise sous clonazépam pour les cruralgies.
Quatre jours plus tard, le patient est réhospitalisé pour un tableau fébrile avec des gonalgies diffuses et intenses à type de courbatures et augmentées par la percussion des cuisses ; il n’y a pas de troubles neurologiques périphériques.
Le syndrome inflammatoire est persistant. L’électrophorèse des protéines est subnormale et la recherche de complexes immuns circulants négative.
La ponction lombaire et l’électromyogramme ne révéleront pas de signes de polyradiculonévrite post-vaccinale. Les radiographies sont peu informatives avec une arthrose fémoro-patellaire (Figure 1).

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Figure 1 : Radiographie du genou gauche de profil avec arthrose fémoro-patellaire sans lésions médullaires visibles.



Une scintigraphie osseuse est pratiquée (Figure 2),

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Figure 2 : Figure 2 : Scintigraphie osseuse au 99mTc-HMDP : hyperfixation intense et bilatérale, fémorale et tibiale supérieure ; modérée aux chevilles.



révélant une hyperfixation intense et symétrique, sur la moitié distale des fémurs et le tiers supérieur des tibias ; l’hyperfixation est plus modérée sur l’extrémité distale des tibias. Une mastocytose, un syndrome de Schnitzer et un lymphome sont évoqués.
Le myélogramme sera granuleux avec neutrophilie et le scanner thoraco-abdominal trouvera un emphysème compatible avec un tabagisme ancien, avec un pancréas normal.
Une IRM des genoux objective des lésions diaphyso-métaphysaires, fémorales et tibiales ; elles sont symétriques, bilatérales et caractérisées par : en T1 un hypersignal centro-médullaire entouré par une couronne en hyposignal (Figure 3)

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Figure 3 : IRM du genou gauche : image en T1 ; signal central élevé, un liséré de bas-signal cerne la lésion.



et en T2 un isosignal centro-médullaire, avec là aussi une couronne en hyposignal sur la face interne de laquelle s’adjoint une travée en hypersignal (Figure 4).

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Figure 4 : IRM : image en T2 : le liséré de bas signal est doublé par un liseré de signal élevé.



La corticale n’est pas atteinte. Une zone de cytostéatonécrose est évoquée, l’autre hypothèse étant l’infarctus osseux.
Le bilan inflammatoire s’est normalisé sans hyperamylasémie.
Le patient sera revu deux mois plus tard, indolore, en bon état général, avec des radiographies des genoux inchangées, et sans ostéonécrose des têtes fémorales. Le patient n’a pas présenté de récidives douloureuses ni de pathologies pancréatiques ultérieures.

Cas clinique N° 2

M. V.G., âgé de 50 ans, est admis en médecine interne, en 1989 pour des douleurs condyliennes des genoux, aiguës, avec un syndrome inflammatoire biologique.
L’examen ne présente pas de signes articulaires. Les antécédents du patient sont un éthylisme chronique, et une obésité. En dix jours, les douleurs régressent ainsi que l’inflammation biologique. L’hypertriglycéridémie secondaire à l’éthylisme est discrète ; l’amylasémie est normale ainsi que l’électrophorèse des protéines.
Les radiographies montrent une petite décalcification du condyle du genou droit évoquant une algodystrophie. La scintigraphie osseuse met en évidence une hyperfixation, intense inférieure des fémurs, et de la métaphyse tibiale : l’hyperplasie médullaire et l’ostéomyélite chronique en poussée sont évoquées. Le myélogramme normal élimine une myélodysplasie ; le dosage des antistaphylolysines et la sérologie de Wrigth sont négatifs. Le patient rentre à domicile avec de la calcitonine sous-cutanée pour l’algodystrophie.
En 1992, après plusieurs épisodes intercurrents mal calmés par la calcitonine, les douleurs des genoux récidivent, avec une sensation de tension musculaire des cuisses.
Une nouvelle scintigraphie osseuse retrouve l’hyperfixation inférieure des fémurs (Figure 5,a,b,c),

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Figure 5 : Scintigraphie osseuse : hyperfixation des genoux de profil et des pieds.



moins marquée, avec apparition d’une hyperfixation assez intense des chevilles et des pieds : ces images sont très atypiques pour une algodystrophie bilatérale.
En 1994, les radiographies des genoux montrent l’apparition d’une zone de limite nette et plus dense, bilatérale et symétrique, avec un aspect hétérogène intra-lésionnel des métaphyses fémorales (Figure 6).

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Figure 6 : Radiographie du genou gauche : opacité de densité calcique, hétérogène, en motte, métaphysaire, limitée par un liséré dense bien visible de profil.



En 1998, le patient est hospitalisé pour le bilan de douleurs invalidantes de l’extrémité inférieure des fémurs. Les douleurs sont d’allure mécanique. Le patient pèse alors

111 kg

.
Les radiographies des genoux retrouvent l’aspect irrégulier de la trame des métaphyses fémorales, et tibiale gauche également. Le bilan biologique note l’absence d’inflammation, les triglycérides sont à 3,89 g/l, les CGT sont à 184 UI/l et l’électrophorèse des protéines est normale. Le TCA et la glycémie sont normaux. La scintigraphie osseuse retrouve l’hyperfixation des genoux et du tiers inférieur du tibia inférieur du tibia droit en faveur d’un processus peu évolutif.
L’IRM des genoux objective des lésions osseuses bilatérales des régions diaphysométaphysaires inférieures des fémurs (Figure 7) : ces lésions présentent un hyposignal périphérique de limites nettes, sur les différentes séquences réalisées correspondant à la sclérose périphérique ; ces lésions comportent un hypersignal hétérogène intralésionnel T1 et T2 correspondant à des îlots graisseux (Figures 7a, b, c)

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Figure

7 a

: IRM en T1 : bilatéralité des lésions médullaires, avec zone médullaire hétérogène en hypersignal, limitée par un liséré sinueux en hyposignal.



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Figure 7 b : IRM en T2 : aspect identique à la lésion en T1.



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Figure 7 c : IRM en T1 en saturation de graisse : les plages en hypersignal T1 sont en hyposignal et correspondent à des îlots de graisse.



et s’accompagnent d’un faible rehaussement après injection de gadolinium correspondant à une inflammation (Figure 7d).

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Figure 7 d : IRM après injection de gadolinium : le rehaussement intralésionnel, discret et hétérogène, est plus net en périphérique et objective les zones d’inflammation.



Rétrospectivement, le diagnostic de cytostéanécrose est posé, de même que l’ostéonécrose métaphyso-diaphysaire.
Le patient sera calmé par du paracétamol associé à du tramadol, et les poussées aiguës par des anti-inflammatoires. Un bilan biologique complémentaire ne trouvera pas d’anomalies des enzymes pancréatiques, ni de déficit en alpha-1-antitrypsine. Le patient n’a pas présenté de pathologie pancréatique par

la suite.
Sans

biopsie osseuse le diagnostic différentiel entre la CSN osseuse et l’infarctus osseux devient difficile, car ces deux entités peuvent être très proches sans un contexte évocateur qu’il importe de connaître.

Mise au point et discussion

La cytostéanécrose (CSN) est la nécrose des adipocytes avec saponification des graisses libérées à l’origine d’une réaction macrophagique.
L’infarctus osseux (IO) est l’ostéonécrose aseptique de siège métaphysaire et/ou diaphysaire.

Pathogénie

Trois hypothèses se dégagent dans la littérature pour expliquer la cytostéatonécrose disséminée : l’action de la lipase, le déficit en alpha-1-antitrypsine et des phénomènes imunologiques.
Lors des atteintes pancréatiques, la diffusion des enzymes pancréatiques entraîne la nécrose graisseuse. Néanmoins, il n’existe aucun parallélisme entre la quantité d’enzymes circulants et la diffusion de

la cytostéatonécrose. La

lipase pancréatique provoque la nécrose adipeuse, en présence de la trypsine, permettant son passage au travers de la paroi vasculaire. Par ailleurs, des CSN avec lipasémie normale suggèrent une substance indéterminée, stimulant la lipase intracellulaire des adipocytes, par l’AMP cyclique.
Le déficit en alpha-1-antitrypsine (A1A) est la deuxième hypothèse, puisqu’il augmenterait indirectement l’action protéolytique de la trypsine sur la paroi vasculaire, et permettrait donc la diffusion des enzymes pancréatiques dans le tissu adipeux.
Les phénomènes immunologiques sont aussi évoqués.
La zone de CSN osseuse une fois constituée peut être à l’origine d’une ischémie osseuse par trois mécanismes : une compression vasculaire par l’inflammation périlésionnelle, une thrombose artérielle par l’action de la trypsine ou de

la phospholipase A

sur l’endothélium, et enfin par une embolie graisseuse.
Lorsque la durée de cette ischémie a été suffisante pour occasionner une nécrose touchant à la fois la moelle et les travées osseuses c’est un infarctus osseux. L’ischémie a une étiologie extrinsèque (traumatisme, vascularite, compression) ou intrinsèque (thrombose, falciformation, micro-embol gazeux ou graisseux).
La CSN osseuse et l’infarctus osseux sont donc deux entités qui peuvent être intriquées, la CSN osseuse parfois à l’origine d’un infarctus osseux.

Histologie

Les lésions histologiques de la CSN sont identiques quelle que soit la localisation (cutanée, synoviale ou osseuse). Les stades évolutifs se succèdent : la nécrose des adipocytes sans réaction inflammatoire, puis le granulome inflammatoire lipophagique avec de volumineuses cellules macrophagiques claires au cytoplasme spumeux (foamy cells) phagocytant les débris cellulo-adipeux, puis la fibrose cicatricielle, et enfin la calcification pour les lésions de localisation osseuse.
Les lésions osseuses d’IO sont identiques à celles de

la CSNO. La

nécrose trabéculaire et l’absence d’ostéocytes, même à l’état pycnotique, caractérisent l’IO. De nouvelles travées osseuses remplaceront la fibrose cicatricielle en périphérie. Les IO non résorbés se calcifient.
Lorsqu’elle est pratiquée dans les stades évolués, la biopsie osseuse différencie donc la CSNO de l’IO.

Étiologies

La CSN osseuse est sous-estimée car les autopsies et recherches systématiques après des maladies pancréatiques montrent une fréquence de 10 à 50 %. Les lésions sont des pancréatites dans 75 % des cas de CSN disséminée et des cancers dans 25 % (surtout l’adénocarcinome acineux). Le cancer du pancréas peut apparaître plusieurs mois après

la CSN. Un

pseudo-kyste ou un traumatisme associé à la pancréatite est retrouvé dans 10 % des cas.
Le patient du cas clinique n° 1 était sous acide valproïque et avait reçu un vaccin contre l’hépatite B, 48 h avant l’apparition des premiers signes, mais le dosage des amylases effectué tardivement n’a pu montrer une relation avec une pancréatite. L’acide valproïque est pancréatotoxique, même après des années de prise, et des pancréatites post-vaccinales ont été décrites. L’imputabilité du vaccin n’a pu être démontrée. De plus, l’échographie et le scanner abdominal montraient un pancréas normal.
L’origine du déficit en alpha-1-antitrypsine, autre cause de la CSN disséminée, doit être précisée par un phénotype. En effet, un mécanisme d’hyperconsommation locale au niveau d’un foyer inflammatoire entraîne une diminution des taux sériques d’A1A, comme le déficit congénital. Ce déficit est aussi associé à l’emphysème. Le patient n° 1 avait un emphysème au scanner, mais le dosage d’A1A n’a pas été effectué.
La CSN et l’IO touchent avec prédilections les hommes de 50 ans avec un éthylisme chronique et une hypertriglycéridémie.
Les étiologies de l’infarctus osseux sont celles de l’ostéonécrose aseptique épiphysaire avec la maladie des caissons (barotraumatismes), la maladie de Gaucher, la drépanocytose, la corticothérapie, la greffe rénale, la chimiothérapie, le LED et les pancréatopathies responsables de la CSN osseuse. Les facteurs de risque lorsque l’infarctus osseux est idiopathique sont l’obésité (cas n° 2) et l’artériopathie des membres inférieurs.
La suspicion d’un infarctus osseux doit donc faire rechercher les causes de la CSN osseuse.

Signes cliniques et biologiques

La CSN disséminée, quelle que soit l’étiologie, réalise un syndrome où dominent les manifestations générales, sous-cutanées, articulaires, osseuses et parfois pluriviscérales.
Les signes généraux sont fréquents, fièvre et altération de l’état général avec asthénie intense et amaigrissement (cas n° 1).
Les manifestations cutanées sont les plus caractéristiques et constantes (90 %) de la CSN disséminée, avec surtout les nodules hypodermiques (90 %), les placards inflammatoires et les pseudo-abcès. Les nodules hypodermiques sont érythémateux et siègent aux points de pression des membres inférieurs, à proximité du tissu adipeux. La douleur étant inconstante et leur taille variable, leur recherche doit être minutieuse. Ces nodules évoluent par poussées, peuvent s’ulcérer et régressent progressivement en deux à trois semaines.
L’atteinte articulaire est assez fréquente (60-70 %) avec principalement une polyarthrite aiguë fluxionnaire touchant surtout les genoux, les chevilles, les coudes, mais aussi les petites articulations des mains. L’évolution est identique aux lésions cutanées avec des poussées et une régression progressive.
La localisation osseuse de la CSN est habituellement asymptomatique et sous-estimée. Elle est plus fréquente au cours des cancers du pancréas qu’au cours des pancréatites. L’atteinte osseuse peut-être isolée des signes cutanés et articulaires. Les lésions siègent préférentiellement sur les métaphyses et diaphyses des os longs (tibia et fémurs) et des phalanges des doigts. Le siège est médullaire, mais des atteintes corticales sont décrites.
Généralement multiples, les lésions osseuses sont asymétriques et surviennent sur un os déminéralisé. La CSN se normalise, se sclérose, se calcifie ou donne des infarctus osseux. Les ostéonécroses aseptiques des épiphyses peuvent aussi accompagner la CSN osseuse.
Les autres localisations de la CSN disséminée sont rares, avec des sérites, des atteintes vasculaires et du parenchyme, avec les taches de CSN péritonéales.
La symptomatologie pancréatique ne sera pas décrite mais les douleurs dorso-lombaires du patient n° 1 précédant de quelques jours les douleurs osseuses peuvent évoquer une irritation péritonéale par écoulement pancréatique, mais l’imagerie était négative.
Le pronostic de la CSN disséminée est en règle générale corrélé à l’étiologie et non à la lésion proprement dite de CSN. Le contrôle des facteurs de risque est important pour éviter les récidives, et l’utilisation des corticoïdes et médicaments pancréatotoxiques doit être prudente. Un syndrome inflammatoire est quasi-constant, ainsi que l’élévation des enzymes pancréatiques. Ces enzymes peuvent être la seule manifestation d’une pancréatite, et se normaliser rapidement.
La recherche d’allongement de TCA et des antiphospholipides est suggérée pour éviter le syndrome primaire des antiphospholipides au cours d’une CSN ; l’injection de glucorticoïdes pouvant être fatale dans ce cas. L’évocation précoce de la CSN disséminée permettra donc de réaliser un bilan biologique complet et spécifique. Comme la CSN osseuse, l’infarctus osseux est peu symptomatique mais une première phase douloureuse est décrite chez 70 % des patients étudiés par Lafforgue. Cette douleur est modérée et accrue par

la pression. Les

os longs sont les plus touchés avec les extrémités inférieures des fémurs et la métaphyse supérieure tibiale. Les lésions sont uniques (50 %), ou multiples (50 %), avec une symétrie et une bilatéralité.
C’est la médullaire métaphyso-diaphysaire qui est touchée, avec respect de

la corticale.
Les

ostéonécroses aseptiques épiphysaires accompagnent 40 % des infarctus osseux. Il n’y a pas de traitement spécifique mais la biopsie forage osseuse peut être antalgique.
L’évolution est favorable avec résorption ou calcification en fonction de la taille de la zone nécrosée, mais des cas de dégénérescence maligne à long terme sont décrits avec l’histiocytome fibreux malin.
La CSN et l’infarctus doivent donc être évoqués et recherchés par l’imagerie devant des douleurs osseuses chez tout patient présentant des facteurs de risque.

Imagerie

Initialement, les radiographies pouvant être normales, elles doivent être renouvelées.
Les aspects radiologiques de la CSN osseuse sont, en fonction du stade évolutif des lésions ostéolytiques ou lacunes, des réactions périostées et des lésions condensantes d’infarctus osseux.
Les images d’ostéolyse apparaissent en quelques semaines sur une zone de déminéralisation et sont les plus communes. Elles sont avant tout médullaires, atteignant parfois les corticales. Des géodes à l’emporte-pièce bien limitées, un aspect aréolaire ou des lacunes larges aux bords flous sont décrits. Les lacunes peuvent se résorber complètement. Les épaississements périostés sont plus rares et persistent dans le temps.
L’infarctus osseux se présente avec des opacités plus ou moins hétérogènes de trois types : la volute de fumée, précoce, et la capsule sont très évocatrices ; la motte l’est moins, et survient tardivement. Une fois constituée, l’image d’infarctus osseux ne se modifie pas.
La scintigraphie osseuse pour la CSN comme pour l’infarctus osseux peut montrer de façon plus précoce, mais non spécifique, des images invisibles radiologiquement, présentant alors une hyperfixation. Initialement, les lésions ostéolytiques peuvent donner une hypofixation. Au cours du temps, l’hyperfixation diminue, les lésions anciennes ne paraissant plus capter le traceur. Les scintigraphies successives du patient n° 2 sont en faveur de récidives organiques et mettent en avant le retard diagnostique par manque de spécificité.
L’examen de référence dans ces deux pathologies est l’IRM. Il est sensible puisque les lésions visibles à l’IRM peuvent être muettes à la radiologie standard, comme pour le cas n° 1.
Seuls huit cas de CSN osseuse ont été publiés avec une IRM, alors que l’IRM dans l’infarctus osseux est bien documentée, les lésions étant identiques à celles de l’ostéonécrose aseptique épiphysaire de la tête fémorale. L’infarctus osseux se présente comme une lésion intramédulaire limitée par un liséré sinueux.
Les lésions récentes sont de type graisseux avec hypersignal en T1 et T2, alors que les lésions anciennes sont de type fibreux avec hyposignal en T1 et T2.
Le liséré correspond à la sclérose, il est en hyposignal T1 et T2, alors que les lésions anciennes sont de type fibreux avec hyposignal en T1 et T2.
Le liséré correspond à la sclérose, il est en hyposignal T1 et T2. Parfois, le liséré se double en hypersignal T2 donnant «The double line signal» pathognomonique de l’infarctus osseux. Ce double liséré est un tissu de granulation fibrino-inflammatoire.
L’injection de gadolinium précisera l’ancienneté des lésions en rehaussant l’inflammation.
Les huit cas de CSN osseuse répertoriés en IRM présentent le même aspect lésionnel intramédullaire, de signal valable, limité par un liséré en hyposignal T1 et T2.
Le double liséré est aussi décrit dans la CSN pancréatique avec dans quatre cas une extension à la corticale et aux parties molles adjacentes. L’IRM ne différencie pas la CSN osseuse de l’infarctus que s’il y a une atteinte de la corticale et parties molles.
L’autre intérêt de l’IRM est un diagnostic différentiel d’élimination avec l’enchondrome, les tumeurs osseuses et l’algodystrophie.
L’IRM s’impose donc comme l’examen le plus sensible et spécifique pour la CSN osseuse et l’infarctus.

Conclusion

L’évocation tardive de la cytostéatonécrose osseuse (CSNO) et de l’infarctus osseux (IO) rend le diagnostic différentiel entre ces deux entités difficiles.
Alors que la pathogénie de l’IO est bien connue, étant celle de l’ostéonécrose aseptique épiphysaire, pour la CSN disséminée, les hypothèses avancées sont l’action de la lipase, le déficit en alpha-1-antitrypsine et des phénomènes immunologiques.
La CSNO et l’IO sont sous-estimés car souvent de découverte fortuite et tardive à

la radiologie. Les

lésions ostéolytiques caractérisent la CSNO, et les lésions condensantes les IO.
Dans un contexte étiologique évocateur comme la pancréatite et le cancer du pancréas pour la CSNO, ou la drépanocytose, les barotraumatismes et la corticothérapie pour l’IO, le diagnostic est aisé. Cela d’autant plus que le tableau clinique de CSN disséminée est complet, avec des nodules hypodermiques, une polyarthrite fluxionnaire aiguë et une élévation des enzymes pancréatiques.
Avec une sémiologie discrète et transitoire, des radiologies initiales peu informatives, la réalisation d’une IRM précoce devient la base du diagnostic car l’examen est sensible et spécifique. Les images de CSNO et IO sont caractéristiques, avec l’apparition d’un double liséré pathognomonique en T2 (“the double line signal”). Seule l’atteinte de la corticale et des parties molles différencie la CSNO et l’IO de l’IRM.
La biopsie forage osseuse peut redresser un doute diagnostic et avoir un effet antalgique.
Malgré leur rareté, le syndrome primaire des antiphospholipides au cours de la CSN disséminée est à rechercher, et l’évolution à long terme d’un IO à surveiller car la dégénérescence en histiocytome fibreux malin est à craindre. Le pronostic de la CSNO et de l’IO est fonction de l’étiologie et du contrôle des facteurs de risque pour éviter les récidives. L’apparition de douleurs osseuses chez un homme de 50 ans, éthylique chronique avec des radiographies normales doit donc évoquer la CSNO et un IO, et suggérer une IRM précoce.

Synoviale, octobre 2002 - n°114

Bibliographie

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Crédits photos

J. Neto*, H. Laurent* ; C. Veyret** ; C. Alexandre** ; J.-F. Mosnier**, *CHG de St-Chamond, service de Médecine interne, **CHU de St-Etienne

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