Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Maladie de GAUCHER : actualités
Archives
Derniers commentaires
2 décembre 2005

Examens radiologiques Les risques sont-ils surestimés ?

Vous trouverez des articles traitant du même sujet dans la catégorie "Examens biologiques, IRM, ......".

Liens utiles à la fin des catégories.

Ghislaine SURREL

maladies-lysosomales-subscribe@yahoogroupes.fr

Article du 01-Déc-2005 par André AURENGO,Maurice TUBIANA

L'irradiation médicale diagnostique est la cause principale d'irradiation artificielle, avec environ 50 millions d'examens par an. Une estimation fiable des risques des très faibles doses de rayonnements ionisants délivrées par ces examens s'impose, car la réglementation en vigueur fonde la protection contre les dangers des rayonnements ionisants sur une comparaison entre le bénéfice et le risque pour le patient (1).

Les recherches en radiobiologie et en modélisation de la cancérogenèse radio-induite doivent être poursuivies(Photo S Toubon)

PAR LES Prs ANDRE AURENGO* ET MAURICE TUBIANA**

UNE MAUVAISE estimation des risques peut avoir des conséquences très négatives : la sous-estimation peut être source d'effets secondaires graves et la surestimation peut conduire à renoncer à des examens utiles. D'autre part, des études faisant état de centaines de morts annuelles secondaires à la pratique radiologique conduisent radiologues, isotopistes et radiothérapeutes à un réexamen rigoureux des méthodes d'estimation des risques qu'ils font encourir à leurs patients. Or, l'estimation actuellement en vigueur repose sur le postulat d'une simple proportionnalité entre le risque et la dose, ce que les données modernes de la radiobiologie ont complètement remis en cause.
Depuis les années 1960, l'estimation du risque de cancer induit par des doses faibles (< 100 mSv) ou très faibles (< 10 mSv) de rayonnements ionisants (RI) est fondée sur l'extrapolation de données obtenues pour des doses et des débits de dose beaucoup plus élevés, en admettant que le risque est proportionnel à la dose. Cette « relation linéaire sans seuil » (RLSS), introduite par la CIPR (Commission internationale de protection radiologique) pour les besoins de la réglementation, a acquis le statut d'un modèle scientifique solide dans les années 1970 quand il fut admis que les altérations de l'ADN, première étape de la cancérogenèse, résultaient d'événements aléatoires indépendants et que les mécanismes de réparation de l'ADN avaient la même efficacité quelle que soit la dose.
Comme l'expose un rapport des Académies de médecine et des sciences (2), les données récentes de la radiobiologie indiquent, au contraire, que les mécanismes de défense de l'organisme à faible et forte doses sont très différents, ce qui remet en cause la validité de cette extrapolation. Ces données montrent que, lors d'une irradiation, si les phénomènes physiques initiaux sont effectivement proportionnels à la dose, la nature et l'efficacité des mécanismes de défense qu'ils déclenchent varient selon la dose et le débit de dose, induisant de fortes non-linéarités.

Un processus darwinien.

La cancérogenèse radio-induite n'est pas la suite d'étapes indépendantes que l'on croyait, mais un processus darwinien qui doit, l'une après l'autre, forcer des barrières de défense très efficaces, cellulaires, tissulaires et immunologiques, auxquelles participent plusieurs centaines de gènes et d'enzymes. En transcrivant des gènes différents selon la dose et le débit de dose (certains pour des doses de l'ordre du mSv), les organismes pluricellulaires ont, par nécessité, élaboré contre les RI une défense « au moindre coût ».
La cellule ne subit pas passivement l'accumulation des lésions causées par les RI. Elle se défend en activant des systèmes enzymatiques qui éliminent les espèces actives de l'oxygène créées par l'irradiation et susceptibles d'endommager l'ADN. Pour les doses les plus faibles, les cellules lésées s'abstiennent de toute réparation, ce qui entraîne la mort de la plupart d'entre elles au moment de la mitose. Pour des doses comprises entre quelques mSv et environ 10 mSv, ces cellules lésées sont éliminées en déclenchant leur mort programmée par apoptose. Mais, au-delà de quelques dizaines de mSv, le nombre de cellules lésées ne permet plus leur élimination pure et simple. Les systèmes de réparation de l'ADN sont alors activés pour permettre la survie cellulaire et préserver les fonctions des tissus. Mais il arrive que la réparation de l'ADN soit imparfaite, avec des erreurs qui peuvent conduire à la cancérogenèse avec un risque d'autant plus grand que la dose est plus élevée. La probabilité de mutation par unité de dose n'est donc pas constante, quels que soient la dose et le débit de dose.
Par ailleurs, le processus de cancérogenèse, une fois initié dans une cellule, n'évolue pas indépendamment des lésions éventuelles des cellules environnantes. Les relations entre la cellule lésée et les cellules environnantes jouent un rôle essentiel. Des systèmes de signalisation intercellulaire informent chaque cellule sur le nombre de cellules environnantes ayant été lésées. Le processus de cancérogenèse se heurte alors à des mécanismes de défense à l'échelle du tissu. Les mécanismes qui agissent dans l'embryogenèse et pour diriger la réparation tissulaire après une agression semblent intervenir pour contrôler la prolifération d'une cellule, même quand celle-ci est devenue précancéreuse et autonome.
Enfin, les systèmes de surveillance mis en œuvre par les cellules saines de l'organisme sont capables d'éliminer des clones de cellules transformées, comme le montrent les échecs des greffes de cellules tumorales ainsi que la forte augmentation de la fréquence de certains cancers chez les sujets immunodéprimés.

Les études épidémiologiques.

Prises dans leur ensemble, les études épidémiologiques n'ont, à ce jour, pas décelé d'effet significatif pour des doses inférieures à environ 100 mSv chez l'adulte et 50 mSv chez l'enfant. Une étude cas-témoins sur l'irradiation diagnostique in utero montre que des doses de l'ordre de 10 mSv pourraient être cancérogènes, mais certaines incohérences avec ce qui est observé après irradiation du très jeune enfant jettent un doute sur l'existence d'une relation causale et on ne peut exclure un biais lié aux pathologies ayant motivé ces examens.
Les études concernant spécifiquement le radiodiagnostic ne montrent pas d'effet significatif des doses inférieures à quelques centaines de mSv, mais elles mettent en évidence le risque de la répétition massive des examens. Par exemple, une étude sur 32 000 femmes canadiennes suivies par radioscopies pour tuberculose pulmonaire, avec une dose moyenne cumulée au sein de 900 mSv, montre une augmentation de 60 % du risque de décès par cancer du sein avec une relation dose-effet linéaire à partir de plusieurs centaines de mSv. En dehors du sein, aucune étude n'a retrouvé de risque de cancérogenèse secondaire à des examens radiodiagnostiques itératifs.
Pour des raisons de puissance statistique, la démarche actuellement adoptée dans la plupart des études épidémiologiques consiste à estimer les risques en fusionnant des données obtenues pour des gammes de doses très étendues, par exemple de quelques mSv à 500 mSv. Cette démarche sous-entend implicitement que les mécanismes de cancérogenèse sont les mêmes (ou du moins similaires) pour les faibles doses et pour des doses nettement plus élevées. A terme, une autre démarche doit s'imposer, fondée sur l'ensemble des données des nombreuses études épidémiologiques, en analysant spécifiquement le domaine des faibles doses.
Un premier travail, entrepris dans le cadre du rapport des académies, a fait la synthèse de toutes les études de cohorte pour lesquelles il a été possible d'obtenir, dans les publications ou auprès des auteurs, des coefficients de risque fondés sur les seules doses inférieures à 100 mSv chez l'adulte. Sur un total de plus de 415 000 sujets suivis pendant dix-sept ans en moyenne, cette première synthèse ne montre pas d'excès de risque relatif significatif (ERR), ni pour les tumeurs solides (ERR = -0,012 par sievert ; IC 95 % = [-0,041 ; +0,017] ni pour les leucémies (ERR = 0,032 par sievert ; IC 95 % = [-0,11 ; 0,19]).
L'excès de risque relatif pour les tumeurs solides, obtenu en analysant ainsi spécifiquement les faibles doses, est significativement plus faible que celui calculé dans la métaanalyse récemment publiée par le CIRC sur les travailleurs du nucléaire, qui, en regroupant des expositions à faibles et fortes doses, obtient un ERR de 0,97 par sievert ; IC 95 % = [0,14 ; 1,97].
Cette étude spécifique des faibles doses doit être poursuivie, en particulier en intégrant les données concernant les faibles doses de la métaanalyse du CIRC.
Des articles récents, fondés sur l'utilisation d'une relation linéaire sans seuil, n'hésitent pas à faire état de centaines de morts provoquées par les examens radiologiques. Il s'agit heureusement de morts virtuelles et de calculs sans justification scientifique comme nous venons de l'expliquer.

Divergence franco-américaine.

Le récent rapport de l'Académie des sciences américaines (BEIR 7) préconise l'utilisation d'une relation linéaire sans seuil pour estimer les effets de très faibles doses, conclusion opposée à celle du rapport des Académies françaises. L'origine de cette divergence tient essentiellement au postulat suivant du BEIR 7 : puisque les enzymes de réparation ne sont pas inductibles, et donc qu'elles sont toujours présentes, les mécanismes de réparation de l'ADN ont une efficacité constante, quelles que soient les doses.
Or, comme le montre le rapport des Académies, ces enzymes ne sont pas, et de loin, les seuls mécanismes impliqués dans la réparation de l'ADN : l'efficacité et la fidélité de cette réparation sur le plan biochimique peuvent être stimulées, l'accumulation de lésions simultanément présentes peut augmenter le risque d'erreur, l'arrêt temporaire du cycle cellulaire donne du temps à la réparation des lésions. Enfin et surtout, plusieurs articles récents (cités dans le BEIR) montrent qu'un autre mécanisme de défense est particulièrement efficace à très faible dose : l'élimination par la mort des cellules potentiellement mutantes, puisque celles-ci n'activent pas les systèmes de réparation de l'ADN et que cette absence de réparation entraîne la mort cellulaire. Le BEIR 7 ne poursuit pas l'analyse de ces récentes publications jusqu'à son terme contrairement au rapport des deux Académies.

Continuer les recherches.

Ces divergences soulignent la nécessité de continuer les recherches en radiobiologie et en modélisation de la cancérogenèse radio-induite, pour mieux comprendre et quantifier l'effet des faibles et très faibles doses, en prenant en compte en particulier l'effet sur les cellules voisines, l'instabilité génétique, les phénomènes d'adaptation, les expositions chroniques, les différences de sensibilité aux rayonnements et l'exposition à des associations de génotoxiques. Des études sur les effets des irradiations diagnostiques répétées des nouveau-nés, et plus particulièrement des prématurés, sont nécessaires, avec une évaluation des avantages et des risques de ces examens.

En attendant, il faut rappeler l'importance des fondements de la radioprotection concernant les examens médicaux : tout examen irradiant doit être justifié par le bénéfice qu'on peut en attendre ; la dose doit être la plus faible possible ; on doit toujours privilégier un examen non irradiant (IRM, échographie) quand il apporte des informations similaires. L'évolution de nos connaissances doit conduire à une approche raisonnée qui privilégie la protection des sujets sensibles (foetus, prématurés, enfants) et qui soit très attentive à la répétition des examens et à leur justification, tout en évitant une surévaluation des risques qui pourrait faire renoncer à des examens utiles et entraîner des mesures de radioprotection disproportionnées.

* Service central de médecine nucléaire, groupe Pitié-Salpêtrière, Paris .
** Centre Antoine-Béclère, faculté de médecine, Paris.
(1) Issue de la transposition en droit français de la directive européenne Euratom 97/43, la protection contre les dangers des rayonnements ionisants (RI) utilisés en médecine est régie par un décret du 24 mars 2003, explicitement fondé sur la comparaison entre le bénéfice et le risque.
(2) http ://www.academie-medecine.fr/upload/base/rapports_228_fichier_lie.rtf


Publicité
Publicité
Commentaires
Maladie de GAUCHER : actualités
  • Permettre aux patients atteints de maladie de GAUCHER (Lipidose : déficit de glucocerebrosidase ), à leur famille et aux professionnels de santé d'échanger sur la prise en charge, le traitement, les problèmes administratifs, juridiques ... Ghislaine SURREL
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Albums Photos
Publicité